La route du ../
cc reçut son ordre de mission brutalement. Il venait à peine de finir la fabrication d'un nou/veau bin et s'était endormi. Il rêvait, comme beaucoup de bin/, à une mission où il aurait pu participer à la construction du KerneL. Une construction complète à lui tout seul. Pas simplement souder des morceaux, comme ld, ni seulement graver des instructions, comme Dieu le fait avec un vulgaire vi ou emacs, mais tout faire. Il voulait tout faire. Le grand rêve de cc. Mais ce n'était qu'un rêve. Lui, un bin, diriger la Grande Const/ruction du plus grand ordre de slash/ ?
Non, c'était impossible.
D'ailleurs, avant de mourir, son aïeul CC le lui avait dit :
Tu nais et n'es qu'/un bin.
Dieu te réclame souvent,
mais jamais, n'est content !
gare à ceux qui t'embobinent
Cette phrase, cc la gardera toujours en mémoire. Pour le moment, elle ne signifiait pas grand chose pour lui. Mais il avait l'impression qu'un jour, il comp/rendrait.
cc, donc, venait de finir un dur labeur. La fabrication de su, un drôle de bin, celui-là. Il était pédant, se croyait investi d'une mission divine, simplement parce que, parfois, Dieu lui demandait quelques privilèges.
Mais voilà que, dans son rêve, la voix de KerneL réson/na :
— cc, réveille-toi. J'ai besoin de toi !
cc se leva en sursaut. Il avait reconnu fork, un des bras droits de KerneL. Lorsque fork commandait, fallait pas traîner. Encore endormi, cc entendit vaguement la fin de l'ordre : « 8765 », « cc ../../tar.c -o tar -386 -Aa -w3 » ou quelque chose de ressemblant.
Par réflexe, cc prit dans son armoire sa sacoche CCFLAG, sa boite à outils lex/yacc, réveilla son fils cpp, lui fit rapidement le topo, et ils se dirigèrent vers la porte de leur demeure, sise inode 12892.
Une belle demeure, en l'occurrence, que cc regardait toujours avant de partir avec une petite perle à l'œil. Qui sait, si des fois, à son retour, ld le jaloux n'en aurait pas profité pour le dévaliser et lui voler tous ses secrets. Et puis, cette maison était belle et spacieuse, avec ses 139 000 ko qui avaient de quoi faire des envieux.
cpp tira son père de ses réflexions :
— Dis, Papa, c'est quoi, 8765 ?
— Tu vois, Fiston, quand KerneL te donne un ordre, il te fournit un code, un numéro. Comme ça, quand tu as besoin d'aide ou que tu vas rendre compte, tu donnes le numéro, c'est plus simple, quoi…
— Et ../../machin, là, c'est quoi ?
— Bin, là, tu vois, mon petit, c'est ce que l'on doit chercher. On va commencer par remonter sur la Marche usr. Quelqu'un pourra peut-être nous renseigner.
— Et pourquoi tu m'as réveillé ? Tu peux pas y aller tout seul ?
— Écoute, Bonhomme, j'ai besoin de toi. Dieu nous a demandé de trouver les sources de tar, faut y aller maintenant.
Et ils quittèrent l'inode 12892.
Dehors, c'était le foutoir. Il y avait plein de trucs partout, jonchés sur le sol. Des inodes abandonnés, des bin en train de déménager, des bin qui couraient partout. Même les limites des sous-cast/es étaient constamment remaniées.
cc n'aimait pas les reconstructions, car il changeait souvent de voisins et n'avait pas le temps de les connaître. Parfois, au retour d'une mission, un dd avait remplacé son ami du et la mission d'après, un dc avait pris place dans la maison.
Ils avaient à peine passé la maison de bc, inode 17052, qu'un / vint leur barrer le chemin.
— Vite, s'exclama bc. Venez de mon côté !
— Allez, faut sauter la barrière, cria cc à son fils. Ho hisse, allez, Garçon, vais pas te porter tout le chemin.
Plus loin, cc vit awk se débattre avec rm. awk semblait à l'agonie. Il allait succomber. cc le regarda avec tristesse. Encore un copain qui partait.
Décidément, cette reconstruction n'était pas drôle… Tous ces beaux paysages, tous ces bin, tout cela finissait dans la douleur…
Il jeta un dernier regard à awk, et il lui sembla que ce dernier lui fit un clin d'œil. Comme une marque de reconnaissance et d'amitié.
cc se fit la promesse de reconstruire awk. Quoi qu'il arrivât.
En remontant vers la porte du ../, celle qui gardait la sortie de la sous-cast/e, cc rencontra un vieux gzip qui semblait abandonné.
— Ola, Vieillard, tu m'as l'air fatigué…
— C'est fini pour moi, on me jette à la trash.
— Je suis désolé.
— Tu sais, depuis la dernière reconstruction, j'ai passé 3 h 28 m 18 s 73 dans le KerneL. Je pars l'esprit tranquille. Notre dieu ne peut pas m'en vouloir. J'espère au moins qu'il sauvegardera ma vieille peau.
— Dis, Vieillard, je cherche les sources de tar. Tu peux m'indiquer le chemin ?
— Non, je sais pas. Vu le nom, comme ça, je dirais qu'il faut remonter vers la Marche usr, et quitter la cast/e pour monter sur la Grande Racine. De là-haut, tu verras tout.
— On va comment, sur la Grande Racine ?
— Tu as un laisser-passer ? Ton GID ? Alors, il faudrait que tu trouves cd. Lui peut t'aider.
— Qui c'est ça, cd ?
— Un passeur. Le meilleur de tous. Il te fera franchir tous les /
— Et où puis-je le trouver ?
— Il habite pas dans la cast/e, il est interne chez bash. Allez, laisse-moi mourir en paix, maintenant.
— Merci, Vieux. Que ta disquette te soit confortable.
bash, c'était un frère de cast/e, cc savait qu'il le trouverait en remontant vers la porte du ../. Et puis, de toutes façons, le vieux avait dit qu'il fallait pousser vers la Marche. Alors…
[À paraître, épisode 3 : Le prêtre-sor\cier]