La grande découverte
Ils tombèrent tous les trois sur le .\ ; cpp, plus leste, se releva rapidement et courut regarder l'intérieur du tuyau.
cd se leva à son tour et observa ce nouveau lieu.
— C'est bizarre, ici, tu ne trouves pas ? dit-il en se tournant vers cc, encore assis.
— Mwouais… Plus de mon âge, ces galipettes…
Il se leva.
— Tu disais ?
— Regarde autour, c'est pas comme d'habitude. On voit pas d'inode.
— T'as raison, même les portes ne sont pas pareilles. On dirait à l'enve\rs.
— Faut faire attention. On n'est plus sur un territoire de Sla/sh.
Ils se trouvaient dans une cuvette, bordée de collines. La cuvette était traversée par un chemin qui partait de leurs pieds et s'étendait jusqu'à un bout qu'ils discernaient à peine. Le sol était brillant, très brillant et reflétait la lumière, ce qui fatiguait les yeux.
Une cabane, à quelques pas de là, semblait vouloir les accueillir. Ils s'y rendirent.
Une inscription était gravée au-dessus de l'entrée : « Foncier Abri Table ».
— Fichtre, qu'est-ce que c'est encore… Ils parlent à l'envers, ici, ou quoi ? marmonna cc.
— Abri de la table foncière… J'sais pas, allons voir.
cpp en tête, ils pénétrèrent. La cabane abritait un grand tableau.
— J'y suis. C'est un plan d'accès. C'est ça. Une sorte de cadastre, quoi.
— Tant mieux, on trouvera plus vite. Cherchons… cpp, tu regardes en bas. cd, en haut de ce côté. Et moi, par là.
Pendant plusieurs minutes, ils parcoururent les inscriptions à la recherche des mots source ou tar.
— Papa, là, regarde…
— Oui, tu as trouvé ! dit cc en se baissant. Voyons voir. Faut passer par là, puis par là… Ok, on a quatre por\tes, et on y est.
Ils sortirent de la cabane, et s'en allèrent.
Après plusieurs heures de marche, ils arrivèrent devant une por\te.
— Bien sûr, pas d'inscription. D'après le plan, c'est là… Qu'est-ce qu'on fait ? demanda cc à cd.
— Bin, on rentre, on verra, non ?
— Ouais, reste là, ça vaudra mieux.
cc prit son fils par la main, marcha sur le .\ et s'enfonça dans la porte. Aussitôt, une grande lueur, venant du ciel, accompagnée d'un sifflement, les entoura tous les deux. Une voix se fit entendre, grave, presque caverneuse :
— Bravo, cc… Te voilà enfin arrivé… Tu as devant toi les sources de tar… Viens travailler, maintenant. Il te reste à fabriquer ! cd, toi, tu peux rentrer, je crois que bash t'attend.
cc sourit, un brin de fierté traversa son regard… Il avait deviné que le KerneL lui parlait, à lui, un fabricant, qui avait vécu une belle aventure…
Lui et cpp furent comme aspirés par la lueur, et montèrent droit dans le ciel.
cd les regarda un moment, puis, dans un éclair, disparut à son tour.
Nos deux héros se retrouvèrent dans une immense salle voûtée, faiblement éclairée. Le sol, en verre, laissait voir le pays sla/sh tout entier, sous eux. Au centre de la voûte, trônait un pilier et toute la pièce semblait organisée pour lui. Juste à côté se trouvait un grand tableau noir sur lequel des fonc(tionnai)res venaient écrire ou effacer des choses. Au-dessus du tableau, il y avait un grand panneau plein de petites lampes qui clignotaient. À côté, une grosse horloge comptait le temps.
Tout autour, il y avait des tables où plein de bin travaillaient. cc en reconnut quelques-uns. Les murs de la salle étaient tapissés de boîtes, toutes numérotées.
— On est où, Papa ?
— Chuuut, dans le KerneL…
Un grand fonctionna(i)re arriva vers eux.
— Ah, quand même, on vous attend depuis longtemps… L'ordre de mission ?
cc le lui tendit.
— Okay. Le PID est bon. Les fichiers sont prêts ?
— Je sais pas. J'étais en bas quand on m'a amené ici… C'est pour les sources de tar.
— Ahhh, oui, je me souviens.
Le fo()nctionnaire prit un micro et demanda :
— Les sources de tar, c'est ouvert où ?
Un de ses collègues lui montra une table libre.
— Allons, venez… Bien… Bon, asseyez-vous. Vos fichiers sont dessous. Tu vois les cordes, sous la table ? Elles te relient à tes fichiers. Ils sont ouverts. Quand tu veux quelque chose dedans, tire la corde. Compris ? Bon, t'as besoin de mémoire ?
— Oui, il va falloir… Euh… J'sais pas dire.
L'autre reprit le micro et annonça :
— Le fonc(io)nnaire malloc est demandé !
Un gars arriva.
— Bon, je vous laisse avec lui. Tu prépares ton travail, et quand tu veux faire une opération, tu viens me voir. Okay ?
— Vu, souffla cc.
malloc prit la parole.
— Tiens. Je te donne la rangée des boîtes de AC000 à AEFFF. Et te gourre pas. Va pas voir ailleurs. Allez, salut.
cc prit sa lampe frontale, en fixa une à son fils et lui commanda :
— Va chercher 10 boîtes et amène-les ici, s'il te plaît. Après, tu remonteras les fichiers.
Et ils se mirent au travail. cpp tirait les cordes pour aller puiser les mots dans les sources de tar. Il les transformait, les mettait dans des boîtes. cc prenait les boîtes, et peu à peu, fabriquait le futur bin tar.
À chaque fois que cc sortait du pilier, il regardait autour de lui.
L'ambiance était feutrée, mais très active. Régulièrement, des bin appelaient le fonct(ion)naire, se levaient et se mettaient à la queue d'une file de bin. À chaque fois que l'horloge changeait, un bin sortait du pilier central et un petit f()onctionnaire y poussait le premier de la file. Les lampes changeaient souvent. Les fonctionnai(re)s allaient et venaient, marchant rapidement. Ils étaient souvent au tableau, attendant que celui qui écrivait lâchât la craie. Il n'y avait qu'une craie, ce qui empêchait qu'ils modifiassent le tableau tous en même temps.
Le voisin de cc s'était endormi sur sa table. Le grand fo(nction)aire s'approcha de cpp, lui prit le bras et lui chuchota :
— Regarde votre voisin, il dort. Faut pas venir ici pour dormir. On dort pas dans le KerneL. Il y a plein de bin qui demandent à travailler et lui, il dort. Alors, vois ce que l'on va faire…
Il prit le micro et annonça :
— Il faut faire un échange ici…
Un grand costaud arriva, ouvrit une trappe sous la table et y balança le malheureux.
cpp regardait la petite lueur de la lampe frontale tomber.
— N'aie pas peur, Fiston. On le remontera quand il sera réveillé.
— Dis, Papa, tu te rappelles les étoiles, quand on fuyait la police…
— Oui, chuuut, travaille.
Une fois, une lampe clignota et une sirène violente retentit. Tout le monde regarda vers le pilier central. Le ()fonctionnaire principal vérifia la lampe qui s'était allumée, prit le micro, et hurla :
— Qui m'a foutu une violation de mémoire… Virez-moi ce connard.
Le bin qui était dans le pilier, à peine sorti, fut expulsé et tout le monde se remit au travail. cc remplissait des boîtes, en vidait, rentrait dans le pilier, ressortait, tandis que cpp, exténué, dormait au pied de la table.
À un moment donné, alors qu'il sortait du pilier, cc appela le fon()ctionnaire.
— Je crois que j'ai fini. tar est là, dans les boîtes. Je dois le ramener ?
— Non, il retournera à son inode quand on coupera les cordes. Prends ton fils et file vers la porte, là-bas.
cc alla récupérer cpp. Il était heureux. Encore une mission réussie. Il franchit la porte marquée « exit() » et se retrouva chez lui, sur la bonne vieille terre des s/lashs, dans son inode.
[Dernier épisode : Et Dieu, dans tout ça ?]