Un cc chez les src
cc se trouvait dans une immense galerie, à peine éclairée, sur un pan incl/iné. Un léger bruit régulier, continu, une sorte de ronronnement lui parvenait. L'endroit n'était guère rassurant.
Il ne savait que faire. Se diriger vers la lueur, là-bas ? Revenir sur ses pas et rejoindre son fils et cd, dehors ?
Il se retourna vers la porte qu'il venait de franchir.
— Tiens, c'est marrant, pensa-t-il, c'est la porte des src que je viens de passer, et je suis devant une porte des ../. Me serais-je trompé ? Non, j'étais avec cd, il m'aurait repris…
Il chercha à se souvenir des missions précédentes.
— Est-ce que ça faisait pareil ? D'un côté, la porte, de l'autre la rem../ontée ? Je sais plus. Oh, et puis, c'est pas important.
Il remarqua sur la porte un écriteau, et s'approcha :
— Étranger, tu quittes le territoire des src. Tu es venu pour fabriquer. Alors, laisse cet endroit propre et jette tous les obj(ets que tu as faits.
Une flèc>he indiquait un trou dans le mur, en-dessous.
cc se pencha, remarqua une grosse corde qui dépassait et qui était attachée à un clou. Dans le mur, un gros tuyau s'enfonçait.
Il regarda à l'autre bout. C'était loin, faiblement éclairé. Il discernait quelques fichiers étalés, des bin, sans doute épargnés par rm, des install.sh et même un makefile.
— Ça, je reconnais. C'est la zone des temporaires.
Il lui arrivait d'aller là-bas, en mission. Il regarda la corde.
— Et ça, c'est un lien. Bon, ça. Ça m'évitera des allers/retours. Je les ai utilisés pour quand, déjà ? Le dernier bin que j'ai fait ? C'était qui, celui-là… Euh… Oh, et puis, zut. Je m'en souviens jamais.
C'est une parti/cularité des bin, de ne jamais se souvenir des missions passées. Comme si tout se réinitialisait. Contrairement aux fichiers, aux /dev, aux /etc qui, eux, conservent jalousement ce qu'il savent.
— Bon, c'est pas tout. Faut y aller.
Il vérifia sa sacoche, jeta un coup d'œil vers la porte, eut une pensée pour cpp, et s'enfonça dans la galerie.
Une bonne dizaine de pas plus loin, le couloir se séparait en trois branches.
— Fichtre, c'est bien ma veine. Et personne ici pour te renseigner. En plus, on n'y voit rien, là-dedans.
Il s'approcha d'un des couloirs. Elle était à peine visible, mais, à son début, il apercevait une petite porte, signalant l'entrée du couloir avec un petite pancarte marquée « linux-2.0.35 ». Il regarda la porte opposée et put lire « linux-2.2.14 ».
— Zut, je fais quoi, là ?
En se dirigeant vers la 3e porte, son pied s'enfonça dans le sol. Il trébucha, glissa, et se rattrapa au bord d'un trou, à une corde.
Il eut à peine le temps de lire un petit panneau devant le trou, lin->ux, que la corde l'entraîna dans un gros tuyau.
— Eh mer##, un lien. Je traverse où, maintenant ?
Il glissait de plus en plus vite, vers la sortie d'où émanait une lumière très blanche… Vers la fin, le tuyau se redressait comme pour ralentir la chute, et, d'un coup, se recourbait.
cc fut éjecté à la sortie, s'envola, lâcha le li->en qui retomba au pied du tuyau, et se prépara à l'arrivée.
POF… Il atterrit sur un ./ qui, en s'écrasant, amortit sa chute.
— Tudieu, quelle dégringolade !
Un peu sonné, cc regardait à droite, à gauche, derrière, l'extrémité du lien, la corde gisait à quelques mètres, sur un autre ./.
— L'autre côté de la porte, pensa-t-il, je commence à comprendre le truc.
Dès qu'il se leva pour aller ramasser la corde, le ./ sur lequel il était assis se rego/nfla et la corde s'engouffra immédiatement dans le tuyau pour remonter vers l'entrée du lien.
— Rusé, le truc… Ce sont les ./ et les ../ qui actionnent les portes. Bon, alors, maintenant, où suis-je ?
Le paysage était magnifique. Il se trouvait au pied d'une montagne, tourné vers la vallée. Un chemin commençait là, descendait en serpentant et s'élargissait avec de nombreuses bifurcations. À chaque embranchement, un arbre était planté, comme pour empêcher l'accès. Les branches de ces arbres se terminaient toutes par des slash/s qui semblaient habiter là.
— Des fichiers, pensa-t-il, ce doit être des src. Faut donc que je visite tout ça pour trouver les sources de tar ? Y a pas un plan, ici ?
Et il commença la descente vers le 1er arbre.
— Doudidi doudidon,
tu as franchi la porte,
doudidi doudidon,
tu es un cloporte…
— Encore cette voix. Qui es-tu ? Où es-tu ?
— Si tu veux le passage,
tu dois payer le péage…
À la question que je pose,
tu dois répondre en prose.
— Je ne comprends rien à ton histoire. Je ne suis pas un poète, moi, mais un bin fabricant. Tu m'embêtes avec ta question. Moi, je suis en mission. Je cherche les sources de tar et suis déjà en retard.
— Doudida, tu vois ? Déjà tu commences…
cc s'énervait. Il continua sa marche.
— Doudidon, fais le malin,
tu finiras en boudin.
Soit tu acceptes mon aide,
soit, en mission, tu décèdes.
— Décidément, c'est trop fort ! pensa-t-il.
Et il dévala le chemin. Arrivé au 1er arbre, un long cri lui glaça le sang…
— YYYYEEEEEEHHHHH, à moi les src !
On vient nous fabriquer.
Aux armes, sus au cc !
Il faut le dépecer !
Pas rassuré, cc regardait par tous les côtés. De chaque arbre descendaient des fichiers, qui se regroupaient et s'avançaient vers lui, menaçants.
— Olà, amis. Je suis un slash/, comme vous. Je suis en mission pour la Grande Reconstruction. Je ne vous veux aucun mal.
L'un des src prit la parole :
— Tu es chez nous, Étranger.
Et tout cc que tu es,
c'est pour nous transformer.
On ne veut plus payer.
— Vous parlez tous comme cela ? Euh, je veux dire, c'est joli, mais en bas, chez nous, on parle pas comme ça, quoi...
— C'est notre culture,
notre manière d'être.
Les gens de ta pointure,
sont d'une autre mouture.
Nous avons nos langages,
qui sont nos bagages,
pour nous reconnaître
et notre bien-être.
Mais, quand vous arrivez,
c'est pour tout casser,
prendre nos fichiers
et en faire des objets.
Les src qui avaient des main(s) le saisirent et le couchèrent. Ils piétinaient, tapaient, se ruaient sur cc qui, sous le nombre, ne pouvait pas se défendre. Tant bien que mal, il réussit à sortir son lex de sa boîte à outils et le brandit fermement :
— Ohh, c'est fini, oui, ou je vous analyse… cria-t-il.
À la vue de lex, les src reculèrent.
— Non, Étranger, ne fais pas cela.
À toi, nous n'en voulons pas.
Mais comprends notre colère
quand tu nous prends un frère.
— Dura lex, sed lex, ironisa cc. Il me faut les sources de tar.
— Beaucoup de nous mourrons
mais jamais ne vendrons
un père ou un ami
pour un KerneL pourri.
« Aïe, ça se corse, va falloir se battre », se dit cc.
— Doudidi, doudidon.
Si tu veux sortir vivant
et revoir ton enfant,
la réponse adéquate
Ou les src t'abattent.
[Prochain épisode : Le sauveur]